Evelyne HethenerEvelyne Hethener
©Evelyne Hethener|DAVID HOURT
Les schness du Pays Thionvillois

Rencontre avec Evelyne

Le Théâtre de Thionville nous enchante chaque année avec sa programmation riche en découvertes. Mais, comment cela se passe t-il en coulisses ? Evelyne Hethener a accepté de nous parler de son métier. Mettons nous dans la peau d’une programmatrice.

Quel est votre parcours ?

Cela fait maintenant 40 ans que je travaille à la Ville de Thionville. J’ai exercé à plusieurs postes avant qu’on me propose de prendre la direction du Théâtre Municipal en 1998. Depuis, d’autres casquettes sont venues s’ajouter : la direction de l’action culturelle et la direction générale adjointe de la culture et du patrimoine.

La gestion du Théâtre est un métier qui demande beaucoup de disponibilités mais c’est ma respiration au milieu des tâches plus administratives.

Comment se construit une programmation culturelle ?

Il faut déjà savoir que pour construire un programme culturel, on fonctionne avec une année d’avance voire plus. Au départ, j’ai dû créer mon réseau et démarcher les théâtres parisiens et les boîtes de production. Aujourd’hui, c’est eux qui viennent à nous. Ils sont conscients du sérieux de l’accueil de nos équipes. J’ouvre alors mon calendrier et je commence à poser des options.

Cependant, je ne programme jamais une pièce de théâtre sans l’avoir vue. À partir de fin septembre, début octobre, je me déplace à Paris pour me mettre dans le peau d’une spectatrice. Au bout de 40 ans, vous connaissez assez votre public pour savoir si tel spectacle va coller ou non à leur attente. Parfois, je mise sur l’attrait de la nouveauté quand je trouve qu’une pièce vaut vraiment le déplacement et mérite d’être découverte. C’est la petite voix dans ma tête qui me dit : « on ne peut pas louper ça ! » C’est ce qui est arrivé quand j’ai vu « Le manteau de Janis ».

Une fois que tous les choix sont arrêtés, arrive le temps de la négociation. Je deviens mathématicienne. Le challenge est de réussir à allier un budget en année civile avec une programmation conçue en année scolaire. Après ce n’est plus que du plaisir !

Avez-vous une ligne artistique spécifique ?

Il faut trouver un juste équilibre entre théâtre, danse, musique, humour, etc. Chacun doit y trouver son compte. Mon but est que chaque spectateur ait (au minimum) un coup de coeur parmi l’ensemble de la programmation.
Pour ce qui est des pièces de théâtre, il faut qu’il y ait un fil conducteur, une histoire pour que cela retienne mon attention. Tout en sachant que notre coeur de cible au Théâtre Municipal de Thionville est très friand de théâtre, une attention particulièrement y est portée.
J’essaye également d’inciter le public à la découverte et à la curiosité en distillant dans la programmation deux à trois spectacles moins « tête d’affiche » mais qui sont, à mon sens, de vraies pépites.

Quel a été votre coup de coeur artistique ?

Question difficile car j’ai eu l’occasion, au fil des années, de faire plein de belles rencontres avec des artistes. Si je ne devais en choisir que deux, je vous citerai d’abord Grand Corps Malade. Je suis partie voir son spectacle avec un a priori, je l’avoue. C’est du slam, je ne vais sûrement pas passer 1h30 assise dans la salle. Finalement, j’aurais souhaité qu’il ne s’arrête jamais. C’est un artiste accessible qui propose des textes très bien écrits. Cela a été une réelle découverte pour moi.

Mon deuxième coup de coeur, c’est le Slava’s Snow Show. Une compagnie théâtrale qui est devenue la référence du spectacle de clown. On se laisse emporter par la magie. C’est la seule et unique fois de ma carrière où j’étais présente dans la salle à chaque représentation, tous les soirs. Ils proposent un spectacle magnifique, d’une poésie extraordinaire et dont la musique vous reste en tête encore bien après la fin du show.

Comment voyez-vous l’avenir du secteur culturel ?

Comme tous les lieux culturels, nous avons ressenti une certaine crainte au sortir de la crise sanitaire. Face à la recrudescence des abonnements aux plateformes de streaming, nous avons eu peur que le public prenne la mauvaise habitude de consommer le spectacle vivant uniquement sur un écran. Il a fallu également faire revenir les gens dans des lieux confinés, tels que peuvent l’être une salle de cinéma ou de spectacle. Je suis une optimiste de nature. On ressent d’ailleurs un réel regain d’intérêt depuis la saison dernière.

La question qui reste cependant en suspens est celle du renouvellement des publics. L’opéra ou le théâtre intéresseront-ils toujours les adultes que deviendront nos adolescents d’aujourd’hui ? L’avenir nous le dira.

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